Non au projet de loi Duplomb !

Publié le 26 juin 2025

La LPO est fermement opposée au projet de loi Duplomb.
Ce projet entretient la dépendance de l'agriculture aux pesticides, favorise la destruction des zones humides et l'accaparement de la ressource en eau par l'agriculture, allège les normes pour la création ou l'extension des élevages intensifs et, au final, favorise les modèles agricoles productivistes, en ignorant leurs impacts environnementaux et sanitaires, sans pour autant répondre au besoin de développer des exploitations agricoles résilientes face aux risques climatiques.

Le projet prévoit la réautorisation d'un pesticide nénicotinoIde dangereux, l'acétamipride

Sous prétexte de "mettre fin aux surtranspositions et sur-règlementations françaises en matière de produits phytosanitaires", le projet de loi prévoit de réautoriser en France l’usage d'un néonicotinoïde, l'acétamipride.
Cette substance est actuellement interdite en France, en raison de sa très probable nocivité pour les abeilles, à laquelle s'ajoute une toxicité potentielle pour les oiseaux et une suspicion de neurotoxicité humaine chez les foetus et jeunes enfants.
Malheureusement, l'Union européenne a autorisé l'acétamipride jusqu'en 2033, sous la pression des lobbys de l'agrochimie et au motif que les impacts environnementaux et sanitaires ne seraient pas formellement démontrés. Cette autorisation accordée par l'UE n'est cependant pas une raison pour revenir sur l'interdiction en France de l'acétamipride.
D'abord, absence de risque formellement démontré ne signifie pas absence de risque.
Rappelons nous : pendant des décennies, l'industrie du tabac a semé le doute et nié les méfaits du tabagisme sous prétexte qu'il n'y avait que des suspicions et pas de certitudes. De la même manière, alors que la dangerosité de l'amiante a été soupçonnée dès 1906, l'interdiction de l'amiante n'est intervenue en France qu'en 1997 et dans toute l'Europe en 2005. Plus récemment, dans l'affaire du Mediator, les risques étaient connus dès 1997 et il a fallu attendre 2009 pour que ce médicament soit retiré de la vente.
Ces quelques exemples, parmi beaucoup d'autres, illustrent que nombre de suspicions se sont transformées en risques avérés. Ils illustrent aussi qu'à attendre d'avoir des certitudes pour agir, on s'expose à intervenir trop tardivement, quand le risque s'est déjà concrétisé et a provoqué des dégâts qui auraient pu être évités.
Ensuite, substance autorisée par l'Union européenne ne signifie pas substance sans danger.
Dans un avis adopté, en mai 2024, l'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) reconnait que l'acétamipride est responsable d'effets moléculaires et cellulaires pouvant conduire à des effets néfastes au niveau de l'organisme et constitue dès lors une préoccupation de neurotoxicité développementale. En raison de ces effets, l'EFSA va même jusqu'à recommander de réduire la dose journalière admissible de 0,025 à 0,005 mg/kg de poids corporel.
Alors pourquoi l'UE a-t-elle autorisé l'acétamipride s'il existe une suspicion de neurotoxicité chez l'homme ?
Tout simplement parce que cette autorisation est une décision politique. L'UE a fait le choix d'une agriculture intensive productiviste et ce choix nécessite de disposer de pesticides efficaces. Et tant pis si ces pesticides génèrent quelques dommages collatéraux environnementaux ou sanitaires.

Contrairement à ce que prétendent les promoteurs du projet de loi, réautoriser l'acétamipride n'est pas une nécessité pour sauver l'agriculture française. La distorsion de concurrence provoquée par un législation environnementale plus permissive ailleurs qu'en France peut parfaitement être compensée par des taxes sur les importations de productions ayant eu recours à l'acétamipride.
Ces taxes n'auraient rien de choquant. Elles supprimeraient les distorsions de concurrence en affectant aux productions agricoles leur vrai coût, celui qui inclut le coût environnemental en sus des coûts de production. Et si cela génère une augmentation du coût des denrées alimentaires, il sera facile d'en atténuer les conséquences en redistribuant le produit des taxes aux populations les plus précaires.

Le projet prévoit la facilitation de la création des mégabassines

Les mégabassines sont d'énormes ouvrages de stockage d'eau destinés à l'irrigation des cultures.
Elles sont remplies durant l'hiver pour permettre de poursuivre l'irrigation des cultures en période de sécheresse. Et ça pose problème.
Contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, les mégabassines ne sont pas des récupérateurs d'eau. Les mégabassines sont alimentées principalement par pompage hivernal dans les nappes phréatiques ou les cours d'eau. Cela conduit à puiser dans les nappes au moment où elles se rechargent et sans savoir si les pluies seront assez abondantes pour permettre à la fois le remplissage de la mébabassine et la reconstitution de la nappe à un niveau suffisant pour passer l'été sans problème.
Les mégabassines sont donc un danger pour l'approvisionnement en eau potable, le débit des cours d'eau et le maintien des zones humides.

Les mégabassines profitent à une minorité de (gros) agriculteurs et sont source de problèmes pour les autres usages de l'eau. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que les projets de mégabassines soient l'objet de conflits et de recours juridiques.
Pour faciliter l'implantation des mégabassines et permettre de rester dans une logique d'agriculture intensive, gourmande en eau, le projet de loi Duplomb prévoit que les projets de mégabassines soient présumés d'intérêt général majeur. Il est difficile de savoir ce que ce statut va changer concrètement mais on peut déjà remarquer que les mégabassines deviendraient d'intérêt général majeur alors que l'article L211-1 du Code de l'environnement n'attribue qu'un intérêt général aux zones humides. La nuance peut paraître subtile mais, en cas de recours juridique, elle sera certainement prise en considération par les juges.
Par ailleurs, le projet de loi introduit la notion de "zone humide fortement modifiée" sur laquelle il pourrait être possible d'aménager des (méga)bassines avec des formalité allégées.